Les populations de la ville d’Abomey et environs ont accueilli dimanche avec un stand-up ovation le spectacle Dohoué du Ballet national à la Maison des jeunes de la ville. Satisfaction, encouragement et fierté partagée.
Dix-neuf heures ce dimanche 30 octobre 2022, la Maison des jeunes de Goho est encore vide. L’éclat des chaises blanches en plastique est ensemencé d’un air paisible telle la bise du soir.
Disposés en quartier comme dans un amphithéâtre, les sièges sont bien époussetés, prêts à accueillir le public qui, pour l’heure se laisse désirer. Sur l’esplanade extérieure de l’édifice, trois groupes de gens assis autour de tables causent allègrement en sirotant des sucreries et boissons alcoolisées.
Vingt heures, le public n’est toujours pas là. Quelqu’un me souffle : « Souvent, c’est après vingt-deux heures que les gens sortent de chez eux ici pour aller au spectacle. Ils dînent d’abord chez eux avant de venir. »
Pourtant, les artistes sont arrivés assez tôt pour ne pas faire attendre le public. En tournée, ils reviennent de Parakou, ville située, à peu près, à trois cents kilomètres d’Abomey. Ils ont bravé la fatigue afin d’arriver assez tôt.
Ils ne se sont même pas donnés du temps suffisant pour poser leurs valises dans des hôtels, faire du tourisme, manger copieusement avant de se mettre à la disposition du public qui se fait encore absent des lieux.
Vingt et une heures. L’envie de partir me tente, déçu de ce que le public d’Abomey semble ne point se faire prier. En week-end à trente kilomètres de là, j’ai décidé de venir regarder Dohoué, pour la seconde fois.
J’ai suivi la première représentation à Cotonou le 21 octobre au palais des Congrès, sur un podium qui a presque trois fois la taille de celui de la Maison des jeunes d’Abomey.
J’ai voulu voir comment les danseurs vont se déployer athlétiquement, acrobatiquement sur cette scène si petite par rapport à celle de la salle rouge du palais des Congrès.
Mais au moment où la décision de me retirer commence à prendre du volume dans ma tête, je vois des gens arriver comme s’ils se sont donnés rendez-vous quelque part pour venir ensemble.
A vingt et une heures trente minutes, le spectacle a déjà démarré et la salle remplie. En moins de quinze minutes, la salle est déjà pleine à craquer.
Des applaudissements nourris s’enchaînent de part et d’autre. L’émotion est vive, intense et abondante. Aucune place pour une pincée de déception au fur et à mesure que le spectacle dévoile ses tableaux face à ce public constitué du directeur départemental du tourisme, de la culture et des arts, de têtes couronnées, d’artistes et artisans, de professionnels des différentes couches socioprofessionnelles.
L’ingéniosité de la construction du conflit interculturel et générationnel autour du symbolisme de la jarre séduit. Dans les traditions africaines, la jarre est le récipient par excellence pour recueillir de l’eau. Mais elle constitue également un instrument de rassemblement, un instrument pour implémenter la cohésion en famille et le vivre-ensemble.
Avec une dizaine de danses patrimoniales en voie de disparition, des accoutrements identitaires, le lyrisme symphonique acté dans des langues nationales, le châtiment par la force des choses dans l’ombre, le dénouement heureux en phase avec la diversité culturelle, l’œuvre est d’une architecture chorégraphique cohérente bien scénarisée.
C’est un travail de main de maître cuisiné par les chorégraphes Alladé Koffi Adolphe et Richard Adossou, assistés techniquement du Régisseur Razack Alao sous la coordination générale du directeur de l’Ensemble artistique national, Marcel Zounon.
Fortuné SOSSA