Dèhouindo a fait fort au Fort français de Ouidah pendant le festival international de danse Agogo. Ohangnon, le promoteur et leader vocal de la compagnie a révélé de la plus belle manière ses talents non connu du public.
Au son du tambour d’eau, de la calebasse, des gongs et autres instruments de musique tchingounmè, les danseurs de la compagnie Dèhouindo gagnent la scène de blancs vêtus, tels des moines. Ils débordent de prestance, fascinent par leurs chorégraphies. Du balafon, un instrument de musique mandingue, s’invite dans le spectacle. Il s’harmonise avec les autres instruments de musique. Tout s’harmonise et on dirait même que le balafon avait le même son que le tambour d’eau. Extraordinaire !
Le leader du groupe apparait enfin avec une flute à la bouche qu’il manipule avec une aisance à nulle autre pareille. Il en a le secret. Son nom d’artiste, Ohangnon. La musique reprend de plus belle. La danse aussi. Ohangnon est paré d’une tunique princière bariba. De sa flute, en accord avec le reste se laissait savourer les exploits héroïques du célèbre combattant Bio Guéra.
Puis Ohangnon retourne dans les coulisses et revient la minute d’après en bazin richement brodé. Le tchingounmè reprend de plus belle sous une composition inédite du surprenant Ohangnon. Il chante maintenant l’histoire du festival Agogo. Ohangnon a l’inspiration à fleur de peau. A l’écouter, c’est comme s’il venait d’écrire un livre fantastique sur Alladé Koffi Adolphe et son festival. Il en sait tellement sur Agogo qu’il le chante avec beauté, bonté et ténacité. L’émotion est alors immense, intense et dense.
En fait Ohangnon est à l’état civil Gilbert Déou Malè et l’on croyait que le temps passé à la tête de la Direction générale du Fonds des arts et de la culture lui aurait fait oublier ses talents d’artiste chanteur compositeur. On croyait qu’il n’aurait plus le timbre vocal de l’artiste chouchou de Ouèssè Wogoudo. On croyait que la politique lui aurait ramolli sa mémoire de rossignol.
Mais tout lui est encore intact : le style, la finesse, l’inspiration, la composition, le lyrisme, la danse, la cadence, l’improvisation, la maîtrise de la scène. Il demeure indomptable dans son art nanti de cinq albums de musique avec des clips.
L’amour pour la musique traditionnelle tchingounmè a pris corps chez Gilbert Déou Malè, Ohangnon, en 1988. C’était à la faveur de la Coopérative scolaire au temps de l’Ecole nouvelle sous le régime marxiste-léniniste. Il était alors élève au Collège d’enseignement moyen général Gbégamey à Cotonou, comme la diva Angélique Kidjo, le roi du tchink système Stan Tohon de regrettée mémoire…
Sa résistance mais surtout sa foi en ses potentialités lui a valu une ascension fulgurante dans cet art. En effet, à maintes reprises, il lui a été intimé l’ordre de s’attacher à l’interprétation du roi Allokpon. Ce à quoi il s’est chaque fois opposé avec renvoi ou retrait immédiat. Il tenait à ses propres compositions. Il tenait à sa marque. Ce qui ne tarde pas à arriver.
Ainsi, Gilbert Déou Malè devient Ohangnon et fonde une grande troupe de tchingounmè, rythme au départ funéraire mais authentiquement mahi de la région des Collines au Bénin.
Fortuné SOSSA