Il est un talent qu’on ne saurait dénier au Béninois : l’expression de sa fierté. Et bien souvent il n’en faut pas beaucoup pour qu’il frissonne du nombril à la poitrine, surtout quand il est question de son histoire, de son patrimoine. Il a les chevilles qui enflent. Heureusement qu’on n’a jamais condamné quelqu’un pour être chauviniste, tant s’en faut !
Mais lorsqu’on invite à boycotter un film américain (The Woman King) qui parle de l’histoire du Dahomey (actuel Bénin) et de ses amazones sous prétexte que ce n’est pas une production ou réalisation béninoise… Je ne sais pas si j’aurai l’occasion de lire pareille absurdité encore avant 10 ans.
A un moment, il va falloir se rendre compte de ce que l’émotion ne mène à bien aucune révolution. De la stratégie avant toute chose ! Pour paraphraser Sylvestre Amoussou, il y a une guerre des images à mener, et ceux qui financent le cinéma, ce sont eux qui contrôlent l'image. Le cinéma se fait avec les moyens. Beaucoup de moyens.
Un créateur d’œuvre de l’esprit n’a pas de frontière pour réunir les matériaux nécessaires à son ouvrage. Et l’obsession permanente de l’artiste c’est d’aller sur des terrains nouveaux, originaux, en se donnant les moyens d’en envoyer plein la vue aux publics. Dans le cas d’espèce, on parle cinéma, où le mot moyen a tout son sens.
J’ignore si j’apprends quelque chose à grand monde en disant qu’à ce jour le Bénin ne dispose pas de loi qui encadre la pratique du cinéma. Ce qui induit qu’il est compliqué que l’Etat y injecte ce qu’il faut financièrement. Les structures privées ne sont aucunement tenues d’offrir du sponsoring, pas plus que du mécénat. Les nombreux métiers du cinéma ne sont pas reconnus afin que leurs artisans puissent en vivre, etc.
Depuis plus de 30 ans, les acteurs béninois du 7e art attendent le Christ. 1990 : introduction à l’assemblée nationale du projet de loi portant Code de l’industrie cinématographique en République du Bénin. 8 ans plus tard, en 1998 : code voté mais non promulgué, donc inutile. 2014 : la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication donne finalement son avis. 2019 : travaux techniques de pré-validation de l’avant-projet de loi portant Code de l’industrie cinématographique en République du Bénin pour sa réintroduction à l’assemblée nationale. 2021 : Atelier de réflexion pour la finalisation de l'avant-projet de loi.
Il faut croire que nous savons définir nos priorités. « Visiblement, les décideurs se disent qu'ils feront du tourisme sans l'image, sans la culture. Nous, nous sommes les premiers ambassadeurs de nos cultures ». Je viens ainsi de citer le cinéaste béninois Sylvestre Amoussou. Pas évident que les politiques voient les choses de cet œil.
Alors chers compatriotes chauvinistes, vous qu’il tarde de faire une révolution, permettez que je vous partage ce que Jean-Paul Sartre m’a appris : « Vous êtes responsables en tant qu'individus. » La révolution qu’il vous incombe c’est de faire le suivi auprès de nos autorités et ‘’élus du peuple’’. Cette entreprise a moins de chance d’être vaine que celle que vous suggère l’émotion. Mais en attendant, il n’y a jamais eu interdiction à un cinéaste béninois de puiser dans cet immense vivier de son histoire dont les faits remontent aujourd’hui à environ 132 ans.
Eric AZANNEY
Ci dessous le texte qui a suscité cette chronique